Mireia Cervera est une experte en connexions. Connecter les entreprises entre elles et les connecter avec les clients. C’est son rôle dans l’association Red, Réunion des Entreprises (espagnoles) de Design. Architecte d’intérieur de profession, Mireia Cervera est co-directrice de l’entité depuis 2018, où elle est chargée de promouvoir le design espagnol des entreprises associées dans des projets de contract via Red Contract.
Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, racontez-nous, qu’est-ce que Red ?
Red est une association espagnole formée par des entreprises du secteur industriel de l’habitat qui promeut les valeurs du design en tant que stratégie concurrentielle. Les entreprises associées obtiennent collectivement la réputation et la visibilité de leurs marques, partagent des informations précieuses, participent au dialogue en tant que lobby ayant la capacité d’influencer les administrations publiques, les fournisseurs, les salons, etc. Les partenaires accèdent aux réseaux de design, pratiquent le networking et bénéficient des économies d’échelle. Red attire les professionnels de l’architecture et du design à la recherche de marques espagnoles pour leurs projets, ainsi que les leaders d’opinion à la recherche de contenus de design créés en Espagne.
Vous venez de vous rendre à Orgatec. Quel rôle jouent les salons dans le développement de Red ?
Les salons sont une vitrine de ce qui se fait dans les entreprises à chaque instant. Chez Red, nous cherchons à établir des liens avec celles qui intéressent nos associés ou celles que nous considérons comme ayant une évolution pouvant profiter aux marques, de sorte que la présentation en tant que collectif sert de mesure de pression pour nos propres négociations. Avec cela, nous obtenons un meilleur emplacement et une meilleure visibilité dans l’espace d’exposition.
Orgatec en est un bon exemple. Nous avons participé de manière groupée, ce qui favorise les entreprises qui tentent pour la première fois de vérifier si un salon est commercialement intéressant, dans le cadre d’un espace de conception 100 % Made in Spain. Finsa, par exemple, a testé ce format à Orgatec avec de très bons résultats.
La participation aux salons est-elle essentielle pour suivre les tendances ?
Assister à des salons et suivre les tendances sont deux choses différentes. Les tendances sont marquées avant tout par les changements de mouvements sociaux, les besoins générationnels et, matériellement, par le monde de la mode, qui est très en avance sur nous en expérimentant de nouvelles finitions, matières, couleurs, etc. Et en plus, ils travaillent avec 4 collections par an ! Il existe beaucoup d’informations publiées par des experts des médias analogiques et numériques auxquelles nous pouvons accéder, ou simplement parcourir nos villes pour voir des gens, des magasins, des restaurants, etc.
Les salons se différencient de plus en plus par la spécialisation et l’innovation. Je pense qu’il est essentiel d’y assister, mais pas seulement en tant qu’exposant, mais aussi en tant que visiteur, pour être au courant des actualités du secteur, analyser la manière dont nous nous exposons par rapport aux autres marques, ou déterminer si notre offre correspond aux besoins et à l’esthétique du public visé et au pays.
Comment le design espagnol est-il perçu dans le monde ?
La perception à l’étranger est que nous travaillons dur et à un très bon niveau. Nous sommes un pays qui conserve une industrie très puissante et, au niveau de l’artisanat et de la fabrication, nous dotons nos produits d’une narration puissante qui les valorise. La perception de l’extérieur est beaucoup plus positive que ce que nous percevons d’ici. En tant que spécialiste en prescription, je peux confirmer que, pour certains pays, le fait que le produit soit fabriqué en Espagne avec une fabrication 100 % européenne est hautement apprécié.
En outre, depuis de nombreuses années, nous avons de grands noms liés au monde du design, dans tous les domaines, qui nous aident à renforcer la marque Espagne.
Les entreprises comprennent-elles les avantages de la collaboration plutôt que de la concurrence ?
Chez Red, nous travaillons toujours dans cette ligne, c’est le « mantra » de l’association. Les entreprises ont toujours travaillé et vendu de manière très individualisée ; en modifiant les modèles d’achat et de commercialisation de leurs produits et face à l’émergence de projets de prescription ou de contracts, elles se sont rendues compte que l’union avec des entreprises complémentaires en produit, voire en concurrence, les avait aidées à détecter d’éventuels défauts qui n’étaient pas visibles. Elles ont compris que le fait de joindre leurs efforts était plus puissant et pouvait atteindre plus de projets dans plus de régions du monde en même temps. Nous promouvons ce chemin chez les entreprises associées et, en conséquence, Red Contract est née.
Qu’est-ce que Red Contract et comment a-t-elle évolué ?
Red Contract est née il y a environ neuf ans et le premier projet consistait à équiper le Lounge de l’Hôtel Tribeca à New York à 100 % avec un design espagnol. Le succès a été tel qu’il reste intact.
Avec mon entrée dans Red, cela évolue comme soutien pour que les entreprises comprennent le fonctionnement du canal contract ou de prescription. J’ai visité toutes les entreprises pour comprendre leur fonctionnement, ce qu’elles peuvent offrir et les aider à ouvrir de nouvelles perspectives. Nous identifions les projets qui, à notre avis, sont liés aux produits avec lesquels travaillent nos collaborateurs, et nous présentons les sociétés sous l’égide de Red afin qu’elles puissent faire partie de la mémoire du projet.
L’évolution de Red Contract a conduit à la signature d’accords avec des chaînes hôtelières, un centre de formation, l’Auditorium de Barcelone… afin d’équiper ces espaces des produits de design des associés. Red assume le rôle de « facilitateur » entre les entreprises et le client final et simplifie les tâches de définition du produit, de budget et d’exécution du projet.
Nos prochaines étapes nous mènent à une innovation dans la proposition de valeur, à une extension de la sphère d’influence, en reliant les produits des auteurs et les matériaux innovants sur le marché afin de travailler de manière transversale, en commençant par l’architecture et en poursuivant avec la décoration intérieure. Nous ferons un travail plus global dans la prescription.
Quelle est la clé d’un bon design ?
Une entreprise vous dirait : celle qui vend le plus ! Pour moi, un bon design est celui qui parvient à exprimer le type d’entreprise qui se cache derrière. De nos jours, tout design doit aller de pair avec un bon travail de marketing et de communication, surtout si vous songez à atteindre le canal de la prescription. Le positionnement de la marque influence grandement la perception du produit design.
Architecte d’intérieur, consultante, co-directrice de RED… Quels aspects de votre travail aimez-vous le plus et pourquoi ?
J’aime beaucoup le contact avec les entreprises. En tant que consultante, ma tâche principale est de former et d’aider à comprendre les besoins du canal contract à tous les niveaux, de la recherche et développement, en passant par les concepteurs de produits, le marketing et la communication, le commercial, etc. Je me nourris du contact avec tous les départements et je comprends leur quotidien ; je vois qu’ils apprennent où aller chercher leurs efforts et le profil de leur prescripteur ou de leur acheteur. J’apprécie la flexibilité générée et les nouveaux rôles qui s’adaptent.
De par ma présence chez Red, je profite également beaucoup de la complicité générée avec les associés et nous sommes très fiers de voir l’évolution des sociétés et l’excellente perception que nous avons des marques qui font bien leur travail. En tant qu’architecte d’intérieur, je ne travaille que sur des projets qui me réjouissent tout particulièrement et m’aident à ne pas perdre de vue le dialogue avec le client final et ses besoins.
Pour moi, toutes mes facettes professionnelles se complètent. Et c’est ce qui me fait vraiment profiter de ma journée.
Qu’est-ce qui vous inspire jour après jour ? Avez-vous un rituel ou consultez-vous une publication qui est pour vous comme une bible ?
Je n’ai pas de mécanique définie. Je me nourris beaucoup des réseaux, car ils requièrent beaucoup de dynamisation de l’information et lorsque je visite les salons, je passe du temps à analyser ce que je vois dans les espaces d’exposition, en ville. Cela m’inspire aussi beaucoup de parler avec des professionnels du secteur et avec des gens d’autres domaines professionnels, c’est une excellente école pratique. La perception de l’extérieur est très inspirante.
Je suis un peu inconstante dans mes sources d’intérêt : récemment, j’ai été fascinée par le travail de foodies tels que Elsa Yranzo ou Laura Ponts ; les influenceurs de tendances qui travaillent avec des moodboards de couleurs, des matières… comme Gudy Herder ou Trendland ; et tout le mouvement autour de la nourriture avec de nouvelles tendances culinaires avec un langage très visuel.
Comment vous connectez-vous avec ce qui vous intéresse ? Êtes-vous plus numérique ou analogique ?
Je me connecte spontanément. Je ne suis pas une personne disciplinée, ce qui me permet de travailler de manière plus polyvalente et sur plusieurs fronts à la fois.
Avant d’entrer chez Red, j’étais beaucoup plus analogique. Maintenant, grâce à l’influence de Juan Mellen (directeur de Red), qui a été le premier à m’ouvrir à Twitter, ma curiosité m’a fait avancé vers le monde numérique. Nous vivons dans un monde en mutation, tout expire à grande vitesse et le monde numérique vous permet un développement plus adapté au moment présent.
Ce que je fais encore en analogique, c’est acheter des livres et des magazines. J’aime toucher le papier, son odeur et son vieillissement par l’usage. Je suis une lectrice invétérée en format papier.
Comment déconnectez-vous pour reprendre des forces et poursuivre le travail de création ?
Bien que cela semble un cliché, je déconnecte lorsque je suis en mode « maman ». C’est le moment qui vous fait mettre les pieds sur terre et vous concentrer sur la réalité. Je suis également fascinée par la perception des enfants, qui ne sont pas contaminés et qui ont une opinion très pure de toute situation.
Pour mon travail, j’ai l’habitude de voyager seule et les moments où j’ai fini le travail et où je peux profiter d’une bonne promenade ou d’un dîner en solitaire sont également un très bon « reset » qui j’encourage tout le monde à pratiquer.
Si le Red contract n’avait pas croisé votre chemin, qu’auriez-vous fait ?
La vérité, c’est que j’y ai réfléchi maintes fois, en particulier lorsque je remets en doute l’effort requis, mais après avoir occupé de nombreux emplois liés au contract, je pense que ma conclusion est que je suis là où je dois être, je ne peux pas imaginer un autre emploi.
Avec quel professionnel du design voudriez-vous connecter ? Quelles sont vos références en design ?
J’aimerais me connecter avec les concepteurs du futur, mais ceux d’un avenir proche, dans 10 ou 15 ans. Parce que je vois des changements chez les adolescents qui sont très pertinents en termes d’habitudes et de besoins et j’aimerais voir comment ils vont nous faire évoluer tous.
Je n’ai pas de références en terme de design, je suis très ouverte à toutes les propositions, même si celles qui obtiennent chez moi l’effet WOW ! m’ont plutôt conquise.