N’avez-vous jamais réfléchi à tout le temps passé à l’intérieur des bâtiments au quotidien ? L’OMS estime qu’il s’agit d’entre 80 et 90 % du temps où nous sommes éveillés, et il est donc important que ces lieux soient conçus en fonction de notre santé aussi bien émotionnelle que physique. La neuro-architecture étudie comment un bureau, une école, un hôpital, une maison devrait être… pour que nous nous y sentions bien.
Neuro-architecture : en quête du bien-être physique et mental
Les architectes ont toujours été conscients que leurs designs influencent les utilisateurs et l’expérience qu’ils vivent sur place. Nous sommes tous conscients que des aspects tels que l’éclairage ou la couleur d’un espace déterminent nos sensations lorsque nous les ressentons. La neuro-architecture va encore plus loin et tente de comprendre l’influence de l’environnement architectural sur nos processus cérébraux et, par conséquent, sur notre comportement, puis applique ces découvertes au design et à la construction d’espaces qui améliorent notre bien-être.
Architectes et neuroscientifiques travaillent ensemble pour concevoir des lieux où tout est déterminé par le fonctionnement du cerveau de ses occupants, de la distribution à la couleur des murs. Le défi consiste à comprendre pourquoi certains endroits favorisent ou altèrent certaines humeurs, et à concevoir intelligemment pour atteindre un objectif spécifique, qu’il s’agisse d’un bureau moins stressant, d’un hôpital favorisant la récupération ou d’une école propice à une meilleure éducation.
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L’origine de la neuro-architecture
Le chercheur Jonas Salk souffrait d’un blocage et se rendit à Assise, où il trouva la clé pour la découverte du vaccin contre la polio. Convaincu que la conception de la ville italienne avait créé un environnement propice pour que les idées jaillissent, il s’est mis en contact avec l’architecte Louis Khan pour la création d’un centre de recherche reproduisant ces conditions et favorisant la créativité des chercheurs. En 1965, ils ouvrent le Salk Institute, une référence dans le domaine des espaces neuro-architecturaux.
Mais l’élan définitif vers la neuro-architecture est arrivé avec Fred Gage, un neuroscientifique qui a découvert en 1998 que le cerveau continue de produire des neurones à l’âge adulte, ce qui l’a amené à s’intéresser à la manière dont l’environnement dans lequel nous vivons influence la structure et le fonctionnement de notre cerveau. L’étape suivante consistait à fonder, avec l’architecte John Eberhard, l’Académie des Neurosciences de l’Architecture dans le but « de faire des recherches sur la conception de l’espace au XXIème siècle pour améliorer notre bien-être, augmenter notre productivité et réduire le stress et la fatigue dans les villes ».
Comment fonctionne la neuro-architecture ?
La neuro-architecture « pure » serait celle qui utilise des instruments de neurobiologie, tels que des électrocardiogrammes, des électroencéphalogrammes ou des capteurs de transpiration, pour mesurer objectivement la manière dont notre corps réagit à certains stimuli architecturaux, dans le but de concevoir en tenant compte des émotions provoquées par l’architecture. Cependant, aujourd’hui, les studios d’architecture ne disposent pas de tous ces dispositifs scientifiques, ni de la technologie ni du temps nécessaire pour le traitement des données, pour finalement appliquer les conclusions à leurs designs.
Ce sont des institutions telles que l’Académie des Neurosciences de l’Architecture basée à San Diego ou le Groupe de Recherche en Neuro-architecture LENI de l’Université Polytechnique de Valence qui développent des études utilisant la méthodologie scientifique. Un exemple est l’étude du LENI visant à améliorer la conception des salles d’attente pédiatriques. Comment ça marche ? Ils ont tout d’abord mené des recherches auprès d’un groupe d’usagers sur les éléments présents dans les salles, afin d’identifier ceux qui généraient la plus grande relaxation. Ils ont ensuite conçu un environnement qui les renforçait. Dans ce processus, la neuroarchitecture a trouvé dans les simulateurs virtuels un outil très utile : elle permet à l’utilisateur de faire l’expérience d’un espace, même s’il n’est pas construit, et d’étudier son influence sur son comportement.
Comment l’architecture influence-t-elle notre comportement ?
Nous sommes encore loin de concevoir des projets concrets guidés exclusivement par les cerveaux de leurs futurs usagers, mais la recherche en neuro-architecture décrit les schémas comportementaux courants vis-à-vis de certains stimuli :
- Température : l’équilibre thermique est important pour créer un environnement confortable car notre cerveau est très sensible aux changements brusques de température, ce qui peut réduire nos performances cognitives et, sur le plan émotionnel, générer de l’hostilité.
- L’éclairage : un éclairage médiocre peut altérer nos cycles circadiens, mais le niveau et la température des couleurs affectent également notre humeur et notre activité. Si une lumière blanche et intense active notre cerveau, des lumières chaudes réduisent le stress.
- La présence de plantes : des styles tels que la conception biophilique ou écologique reposent sur la preuve de l’effet bénéfique des environnements verts et des matériaux naturels sur notre santé.
- Les couleurs : chaque couleur agit sur différentes zones de notre cerveau et détermine notre humeur. Grâce à la science, nous découvrons que le rose calme les nerfs et réduit la colère, tandis que les couleurs chaudes améliorent la productivité et la concentration, ce qui les rend idéales pour un environnement de travail.
- Les parfums : l’odorat est l’un des grands oubliés de l’architecture, mais l’association d’un espace à bon parfum peut aider à améliorer sa qualité. Par exemple, les parfums naturels favorisent la relaxation.
- L’utilisation de courbes : les finitions arrondies nous aident à nous détendre davantage que celles en forme d’angles.
En somme, la neuro-architecture est un outil supplémentaire qui peut aider à créer les villes du futur pour améliorer la santé de ses habitants et leurs relations sociales. Compte tenu du fait que, selon les Nations Unies, en 2050, les deux tiers de la population mondiale vivront en milieu urbain, l’application de la neuro-architecture à l’urbanisme pourrait faire que les villes créées conviennent à leurs citoyens, en transférant à leur conception les éléments qui ont un effet bénéfique sur notre esprit.