Wood Wide Web : l’internet des forêts

Pendant de nombreuses années, le monde scientifique décrivait les forêts comme un lieu de lutte : pour survivre et croître, les arbres se faisaient concurrence pour les divers nutriments à leur disposition.

En 1997, la publication d’une étude en couverture de la revue Nature a renversé cette théorie. Sous terre, à travers un manteau de champignons qui connecte tout le système forestier, les arbres non seulement communiquent entre eux, mais s’envoient également des ressources (l’article mentionnait en particulier des sucres). Le botaniste qui a rédigé le préambule de l’article a inventé une expression irrésistible pour désigner cette découverte : Wood Wide Web, un jeu de mots à partir de World Wide Web (comme on appelle aussi Internet). Du réseau mondial au réseau des forêts.

La communauté scientifique connaissait depuis longtemps les champignons mycorhiziens, qui couvrent les racines des arbres et échangent avec eux de l’eau, des nutriments et des sucres. Ce que la nouvelle étude a découvert, c’est que la communication va plus loin : les arbres utiliseent ces réseaux fongiques – leur Internet à eux – également pour aider d’autres voisins de la même espèce, généralement plus jeunes. Les forêts sont ainsi des espaces de coopération où leurs habitants plus matures aident ceux qui ont moins d’anneaux dans leur tronc à prospérer.

Une connexion avec latence…

L’article, signé par la chercheuse Suzanne Simard, et le concept de la Wood Wide Web ont connu un succès immédiat. Selon la chercheuse, dans ses mémoires, ce concept a même inspiré Avatar, le film de James Cameron. Il y a des conférences, des nouvelles études, une large couverture dans les media généralistes et même des livres de fiction dans lesquels ce réseau souterrain des forêts sert de base ; parmi eux, le lauréat du prix Pulitzer en 2019.

Cependant, au fil des ans, les critiques ont également émergé. Depuis 2023 seulement, trois articles scientifiques signés par un total de 45 auteurs (dont beaucoup étaient des fans de la première heure de l’étude originale) soutiennent que la portée du Wood Wide Web a été exagérée.

Les arbres reçoivent-ils des sucres d’autres arbres à travers les champignons ? Oui, mais en une quantité qui n’est pas biologiquement significative, assurent-ils. De plus, est-ce que tout cela voyage à travers les champignons et non d’autres éléments présents dans le sol, la question n’est pas clairement répondue. En outre, comment sait-on que ce ne sont pas les champignons eux-mêmes qui envoient les nutriments ?

Ces recherches ne visent pas à remettre en question la totalité du concept de Wood Wide Web, mais plutôt à poser des questions montrant qu’il reste encore de nombreuses lacunes à explorer et des aspects qui ne sont pas entièrement clairs. Sur l’une des principales conclusions de Suzanne Simard, ils sont cependant d’accord : préserver et respecter tout l’écosystème des forêts, y compris les réseaux souterrains de champignons, est fondamental pour la santé de la planète.